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Cyclotimide, la Prose au Prozac, le Vers au Chivas Regal.

13 avril 2011

6. Cent raisons qu'il n'y a pas de raison d'avoir raison

Si tu pleures devant ce miroir

Sans raison

C’est que tu n’es pas à voir

Sans raison

Personne ne tue pour t’avoir

Sans raison

On te préfère nue dans le noir

Sans raison

 

La vie est faite de choses

Sans raisons

Moi j’ai toujours eu tort

Sans raison

J’ai croisé cent fois le malheur

Sans raison

Il n’y aura pas  d’exception

Sans raison

 

Alors moi j’attends curieux

L’oraison

Afin que je contemple

La floraison

Au printemps de cette vie

D’horizon

Que j’ai scruté en vain

Sans raison

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13 avril 2011

5. Les Violons

Si ça dérange que je déroge

A la règle des trois fois rien,

Si ça m’arrange que j’abroge

Les sanglots longs des lendemains

 

Violons volés, violeurs voilés

Aux corps voûtés et doigts de fée

Péché mignon, mignonne poupée

Chœur lancinant, corps lacéré

 

Rythme endiablé sur le dancefloor

Jupe trop courte pour qu’on l’effleure

Je berce ton corps d’une longueur

Monotone, je cueille cette fleur

 

Plus je m’enfonce, moins tu renonces

Allant-venant sous la défonce

Femme fatale, je t’offre ton scandale !

Lis à l’envers les Fleurs du mal

 

Dignité nouée aux talons

Ils sont tombés sous l’étalon

J’ai les clés du jardin secret

Tu t’agites belle jeunesse dorée

 

Deviens esclave de mes tourments,

Tu jouissais d’une impunité

Je vois là un manque à gagner

Entre ton insolence et ta beauté.

 

Puis quand arrive enfin l’extase

Jaillit un flot brûlant d’emphase

De tes traîtres yeux qui sont las

Salis par l’ombre qui s’en va

 

Et encore, encore…

Les sanglots longes des violons

Blessent ton corps d’une longueur monotone

13 avril 2011

4. Le Bal des Masqués

Gratte-moi, gratte-moi, gratte-moi un peu

Décolle le vernis de mes aveux

Gratte encore, oui, gratte encore un peu,

Découvre le vide profond de mes yeux,

Je veux briller je veux briller d’un feu,

Pour changer du terne éternel un peu,

Je suis bien mal je suis bien mal, heureux

Je suis qu’un mâle je suis qu’un mâle peureux


Vernis sage qui me dévisage

Cadavre exquis de mon image

Un brillant personnage

Qui ne fréquente que la crème

En gommant tous les « je t’aime »


Se nourrissant de rouge à lèvre

Assoiffé de fontaine de jouvence

Mascara des masses masquées

Mascarades entre camarades

Ou chacun est ce que l’autre n’est pas,

En espérant être ce qui n’est pas encore

Les cils aiguisés en forme de lances

Prêts à se battre, fondre au premier regard

 

Chanel et Dior sont sur un bateau,

Quel est le premier qui tombe à l’eau ?


Miroir oh miroir dis-moi qui est le plus beau,

Entre le vieux bandit et l’enfant salaud ?

 

Je vagabonde de toi en toi

En espérant me trouver moi

De mois en mois sous les toits

sous la chère pente de mes tourments


Labello bois dormant

Tu me fais tellement fondre

Face cachée de l’iceberg

Collision imminente

Immersion coulante

 

Cherchons dans les bas-fonds

Sous la poussière des tréfonds

Ou règnent les protozoaires

Et les microbes solitaires

Rien n’est beau à l’intérieur

C’est une boite de malheur

Ouverte par chaque splendeur

Qui passe sur mon corps

 

Mes litanies sur literie

 Des cris muets à minuit

Ou je hurle à la lune froide

Que mon cœur attend l’aubade

A chaque vernissage je m’expose

Au grattage en prose de mes poses

Qui par une prosopopée en éclats

Ferait parler mes paillettes et pas moi

Alors le masque tombera dans un plouf

Ma peur n’est pas waterproof

 

L’eau lave les péchés,

La vigne les fait oublier

Le filtre de l’amour a le gout d’amertume,

Entre la vodka et les agrumes

Les paysages se tirent quand le train se tire

Impressionnisme à maudire

Splatch plouch ploc je vais me coucher

Je n’irai plus au bal masqué

13 avril 2011

3. Quand tombait la nuit

Au détour d’un carrefour, j’ai rencontré une âme

Dont la vie n’était plus qu’ignoble et infâme

Les cheveux éclairés par l’enseigne commerciale

La vieille créature vagabondait comme le mal.

 

Errante, suintante, beuglante, à qui voulait bien,

L’ange décharné se faufilait comme un félin,

Entre les apparences et les trottoirs du soir,

L’ancien éphèbe se préparait à affronter le noir.

 

Le pantin burlesque s’effaçait avec la nuit,

Bientôt le loup allait s’emparer de lui.

Rien d’autre qu’un agneau, une gentille brebis

Qui quitta le troupeau pour éviter l’oubli.

 

Mais on n’avait pas dit, au gentil

Que dans ce bas-monde, tout trouvait un jour son prix,

La liberté elle-même amenait le mépris

Quand filait l’espérance et que tombait la nuit.

13 avril 2011

2. Concessions

Je veux que ça dérange,

Mais pas que ça dérape

Je veux que tu m’arranges

Mais sans que tu m’attrapes

Je veux un peu de vice,

Mais surtout pas de peur,

Je veux tous les délices

Mais jamais un malheur

 

J’ai pleuré contre ton corps,

Comme si c’était nouveau

Et j’ai souffert encore,

Comme si rien n’était beau.

 

Je veux courir plus vite,

Mais sans jamais tomber.

Je veux que tu t’irrites,

Mais sans jamais crier.

Je veux pas faire mon lit,

Mais j’aimerais te plaire.

Je veux danser la nuit

Et que tu puisses t’y faire.

 

Je suis un chant de peur ,

Qui est en en la mineur,

Je retombe sur le sol,

L’âme trop lourde pour l’envol

 

J’aimerais te séduire

Mais pas que tu m’embrasses.

Connaître par cœur tes rires,

Sans oublier l’angoisse.

J’aimerais que tu me soignes,

Sans devoir te parler,

Revoir ma belle campagne,

Mais seulement en été.

 

Si la vie est malheur,

Beaucoup ont su en rire,

Ils savent oublier l’heure,

Je  peux que la maudire. 

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13 avril 2011

1. Le Terminus

 

Hier soir dans le métro, le hasard a encore fait des siennes. Comme d’habitude, je suis rentré dans la bouche puante la tête basse,  la mine grise et le regard perdu.  J’ai attendu de la même manière que les autres, c’est-à-dire en me stationnant près du bord mais pas trop, le visage dur posé sur un corps mou, ceci en regardant les rails sans les voir. Certaines ombres se mettent parfois à arpenter le quai, jonchant les mégots et les chewing-gums perdus sur le sol, faisant mine de ne pas s’impatienter - comme si attendre ne les dérangeait pas.

Dix secondes, vingt secondes, trente secondes…

Puis les corps immobiles se mettent à s’agiter douloureusement, ils s’ennuient. Ils n’en peuvent plus de ne plus en pouvoir. Les masses s’accumulent, on oublie le tic-tic régulier des tickets validés, on ne se soucie plus du fourmillement inquiétant de la ville au-dessus, on se morfond. Oserais-je dire qu'on meurt, au fond ?

  Dix secondes, vingt secondes, trente secondes…

On voit des petites têtes poindre dangereusement au-dessus du vide, les yeux se froncent pour voir au loin dans le tunnel sans fin. Vient-il à droite ou à gauche ? On a déjà oublié. Les enfants se plaignent, les parents faute de pouvoir les imiter grognent. A tout moment ils redoutent une annonce concernant un imbécile qui n’aurait même pas eu la lucidité de se jeter sous le métro en fin de ligne. Moi je reste là, je m’en fous, ce sont eux mon spectacle.

Dix secondes, vingt secondes, trente secondes…

Puis soudain, la terre tremble. Un bruit qui semble venu des entrailles souterraines fait vibrer les petites larves énerveés du terrier urbain. La masse soupire. Les corps dispersés se mettent alors à s’entasser dans une grimace générale. Les femmes et les enfants d’abord. Il arrive, on le sent, on le devine. Le cri devient de plus en plus strident, un hurlement gémit tout près, une lumière aveuglante remplit la station par la droite. Le serpent de métal est arrivé. La nature humaine s’encombre peu de politesses lorsqu’il s’agit de trouver une place à l’ombre. Je vois un quadragénaire à la chemise tâchée se vautrer en premier dans les sièges poussiéreux. On s’entasse, on se colle, on se serre. Les sourires gênés expriment l’appréhension de la compression. Agoraphobes, claustrophobes, microbes, pervers, pétasses, vieillards, mioches, pédales, métèques, cols bleus délavés, cols blancs pas lavés…

Dix personnes, vingt personnes, trente personnes…

 Il n’y a bientôt plus de place, et ça les arrange bien. Mais moi je m’en fiche bien de rentrer, personne n’est pressé de me voir arriver. Ils me regardent sans me voir. Je vois l’édifice humain en béton désarmé. La rame les expédie vers la dérive, encore plus vite. L’alarme retentit très fort, comme si l’heure était grave. Ils ne me comprennent pas. Pourquoi je ne monte pas. Mais déjà les portes se ferment sans égard, et déjà les autres tournent leur regard. Oui j’en ai rien à foutre, ils peuvent bien foncer sans moi, on se verra bien au Terminus. Et moi, moi, moi, je demeure seul. Seul, sur le quai fantôme. 

Dix secondes, vingt secondes, trente secondes.

Puis je fais demi-tour, et retourne vers le jour.  

Pour combien de temps encore ?

Dix secondes, vingt secondes, trente secondes...


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Cyclotimide, la Prose au Prozac, le Vers au Chivas Regal.
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